La réputation de la société de production, de distribution et d’édition audiovisuelles Laterit Productions n’est plus à faire, ni celle de ses fondateurs, les cinéastes Marie-Clémence Andriamonta-Paes, et César Paes.
Créée en 1988, Laterit a pour objectif de « produire des films de qualité pour promouvoir une meilleure compréhension entre les cultures », selon les Paes.
Leur combat pour promouvoir des voix et des histoires, qu’elles soient du continent africain, ou de sa diaspora, montre la beauté et l’importance pour les Noir.e.s, quelle que soit leur(s) origine(s) de se raconter, eux-mêmes, pour les générations futures et passées. Si les grios tiennent une place fondamentale dans les cultures africaines, ils ne suffisent plus clairement plus aujourd’hui : au-delà de la transmission par des récits oraux, il nous faut, plus que jamais, nous inscrire dans l’histoire par l’image, qu’elle soit animée ou fixe. En ce sens, Laterit contribue à fixer, à jamais, les traces des anciennes et nouvelles générations, de leurs parcours et de leurs vies, dans les pages de la grande histoire.
Leur travail, qu’il s’agisse des films, des livres ou des CDs, me permet, comme à d’autres, d’entretenir un lien avec l’Afrique, et mes racines, d’en (re)découvrir les figures importantes, ainsi que leurs apports à la culture malagasy notamment et à son rayonnement international.
Les oeuvres de Laterit renferment pour moi, non seulement des trésors d’histoires, dans toutes les acceptions du mot, mais aussi d’humanité et de poésie qui, sont d’utilité publique et historique. Dans leur catalogue, voici quelques-unes de mes préférées.
Le magnifique Angano…Angano… Nouvelles de Madagascar (« angano » signifie fable ou mythe) sorti en 1983.
Un autre favori est Fahavalo, Madagascar 1947 (« fahavalo » signifie ici ennemis, en l’espèce de la France) de Marie-Clémence Paes, sorti en septembre 2018. Dès les premières minutes, j’avais le coeur serré et les yeux embués de larmes. Ce film revient, avec les derniers témoins, de la rébellion et de l’insurrection qui ont mené à l’indépendence de Madagascar du pouvoir colonial français. Un documentaire riche d’images d’archives inédites et de témoignages précieux qui montrent et abordent la lutte armée et la résistance des Malagasy face, non seulement aux colons français, mais aussi à leurs frères africains, en l’espèce les soldats Comoriens, Sénégalais et Marocains de la légion étrangère. Dans l’entrelacement de ces récits, parfois brutaux, le film réussit à faire rire et chanter le spectateur, aux rythmes d’une bande-son toujours aussi réussie. Il est important de noter également que c’est le seul film qui a été fait sur cette page sombre, et importante, de l’histoire de la Grande Île. Les récits qui précèdent ce film sont, pour la plupart, écrits par des Français, à l’exception du livre Portraits d’insurgés, Madagascar 1947 du photographe Pierrot Men et du romancier et dramaturge Jean-Luc Raharimanana.
Enfin, en début d’année, j’ai pu découvrir pour la première fois au cinéma l’un des films les plus importants de leur collection : Mahaleo (2005), film qui revient non seulement sur le groupe mythique, du même nom, créé en 1971, mais aussi, et surtout, sur comment leur histoire, leurs chansons, et les trajectoires individuels de ses membres, ont illustré l’évolution sociale et politique du pays. Mahaleo est une partie importante du tissu national malagasy et ce film le peint avec justesse. Un bel événement qui a permis au public de rendre hommage à ces musiciens, d’échanger avec les Paes et Raymond Rajaonarivelo (co-réalisateur du film), et quelques membres des familles du groupe, ainsi que d’évoquer la mémoire de Fafa et Dadah, morts fin 2019.
Le catalogue de Laterit regorge de nombreuses autres pépites cinématographiques, dont les films de As Thiam (Le Sifflet) ; de Julio Silvão Tavares (Batuque, l’âme du peuple); de Hery Rasolo (Raketa mena, cactus rouge); de Lova Nantenaina (Ady Gasy); ou encore de la journaliste Réunionnaire Olivette Taombé (De la sakay à carapa); qui méritent d’être vu et soutenu.