Jeune Juliette : un teen-movie réaliste et touchant

Jeune Juliette, le 4ème long-métrage de la réalisatrice canadienne Anne Emond, sort ce mercredi 11 décembre en France.

Un teen-movie réaliste et touchant

Juliette (Alexane Jamieson), 14 ans, n’est pas bâtie comme l’archétype des héroïnes, plus ou moins interchangeables, de teen-movies tels que Lady Bird, Virgin Suicides ou encore Juno. Une anti-héroïne qui ne s’ignore pas, elle pourrait se trouver à mi-chemin entre Patricia de Patti Cake$ et Angela de My So-Called Life (Angela, 15 ans).

Issue d’une famille monoparentale de la classe moyenne, Juliette est une adolescente brillante qui vit dans une petite ville du Québec avec son grand-frère Pierre-Luc (Christophe Levac) et son père (Robin Aubert). Rousse et en surpoids, elle est la risée de l’école. Sa planche de salut, c’est Léanne (Léanne Désilets), sa meilleure, et seule, amie, avec qui elle co-anime la radio étudiante.

Si Jeune Juliette ne peut pas être considéré comme un drame, il concentre et traite beaucoup de thèmes classiques, propres au genre du teen-movie comme l’amitié, la découverte de la sensualité, le harcèlement, mais aussi la différence et l’importance de l’assumer.

Pour l’héroïne, les deux problèmes majeurs sont la solitude et le manque d’une figure maternelle. Juliette cherche, tout au long du récit, l’attention, l’affection, et la présence de sa mère, juriste installée à New York, qu’elle ne voit que quelques semaines par an. Le manque de cette figure tutélaire est d’autant plus criante qu’elle est en pleine période de transition. À un moment pivot de sa puberté, Juliette a conscience de ne plus être une enfant, pourtant, elle n’est pas encore une femme **** insert référence Britney Spears : I’m not a girl, Not yet a woman, All I need is time, A moment that is mine, While I’m in between **** ni une adulte qui a le pouvoir et les moyens de changer sa vie.

Son premier amour, Liam, le meilleur ami de son frère, est, lui, l’archétype du « tombeur » : il joue de la guitare et chante dans un groupe de rock, et pour compléter le cliché, il a les cheveux longs et blonds, et a constamment un air nonchalant. Elle l’idéalise et se fait des plans sur la comète qui ne sont malheureusement que cela, des plans. Ceux d’une jeune fille désespérée d’être aimé et désiré. Mais si elle ne cherche pas à être « cool » aux yeux de ses camarades, elle veut à tout prix l’être pour Liam. Quête qui sera l’élément déclencheur d’une spirale de mauvaises décisions, comme celle de faire un régime.

Tout est laid et petit

À mesure que le film progresse, l’héroïne s’isole de plus en plus, jusqu’à rejeter Léanne, lorsqu’elle lui avoue être lesbienne et amoureuse d’elle.

C’est simple : « tout est laid et petit » pour ses ambitions. Que ça soit sa maison, son école ou la ville dans laquelle elle habite, Juliette ne verbalise pas seulement un refus de sa situation et un désir de fuite, elle exprime aussi un rejet de son corps et de sa condition. Elle est grosse et pas assez âgée pour attirer l’attention de Liam.

Pour l’ado, tout serait mieux si elle vivait à New York auprès de sa mère, qui, à ses yeux, est partie car elle étouffait dans cette ville et vie « ordinaire » : personne ne la moquerait, elle aurait plus d’amis, peut-être un petit ami et ne serait pas emmerdé par les cons de son école. Bref, elle aurait une meilleure vie, serait acceptée pour ce qu’elle est, et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

C’est justement dans le récit de ce processus de lutte, contre elle-même et tout ce qui ne va pas autour d’elle que le film est un succès. La réalisatrice, avec humanité et sans jamais forcer le trait, montre un processus normal, celui d’une ado mal dans sa peau, qui ne trouve pas sa place et se cherche. Mais si le film est tourné au 35mm, il n’édulcore et ne romantise jamais les choses comme le ferait un feel-good movie hollywoodien : Juliette est montrée sous toutes ses facettes, publique et intime, à la fois idéaliste, parfois menteuse et méchante, mais aussi ancrée dans la réalité et qui, malgré son attitude, veut être accepté et trouver sa place. Anne Émond peint l’adolescence et ses dynamiques de groupe avec justice et justesse, ainsi que les difficultés à accepter et à vivre son identité et sa différence : que ce soit le fait de ne pas avoir vraiment de mère et d’être en surpoids pour Juliette, l’homosexualité pour Léanne ou le fait d’être atteint du syndrome Asperger pour Arnaud.

À vrai dire, cette petite phrase de Juliette pourrait être une métaphore de la puberté et du cauchemar de tout adolescent qui ne rêve que d’une chose : grandir, mais vite, et de préférence, de la façon la moins ingrate possible.

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