(…) il perdit son merveilleux sens de l’irréalité, au point qu’il finit par leur recommander à tous deux de quitter Macondo, d’oublier tout ce qu’il leur avait enseigné sur le monde et le cœur humain, (…) de toujours se rappeler que le passé n’était que mensonge, que la mémoire ne comportait pas de chemins de retour, que tout printemps révolu était irrécupérable et que l’amour le plus fou, le plus persistant, n’était de toute manière qu’une vérité de passade.
En ce début 2019, je me suis enfin résolue à lire Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. J’avais très envie de le lire, et ce depuis à peu près une éternité, et c’est désormais chose faite. Présenté comme une saga, c’est un roman très exigeant de par sa narration complexe, dans laquelle s’imbrique plus de cent ans de la vie d’une famille, les Buendia, et l’histoire d’un village imaginaire, Macondo. La longueur, 7 générations, et la complexité de leur lignée, ainsi que le tissage progressif de la peinture sociale, politique et économique du village en accentuent la complexité.
Ce livre renferme pourtant un trésor d’imaginations et de merveilles, difficilement envisageable aux premières lignes. Si la lecture peut s’avérer ardue par moments, ce qui fut le cas pour moi, aller jusqu’au bout en vaut largement la chandelle.
L’auteur récompense le lecteur par le délassement progressif du nœud narratif. En effet, le sens de la prophétie de Melquiades se révèle naturellement aux yeux du lecteur dans l’enchevêtrement des générations et des événements et grâce au ressort de la répétition. Cela permet de souligner le caractère très cyclique de la narration : si la famille Buendía est ancrée à Macondo, toutes les tentatives de chaque génération à exister en dehors, les ramènent systématiquement à leur point de départ. Tout commence et tout finit dans le village, la vie comme l’amour, l’amour comme la haine, le succès comme la défaite. Le roman est orchestré tel que le village devient un personnage à part entière, un aimant qui lie, unie et désunie les Buendía entre eux, et avec le reste du monde.
Les motifs de la transgression, de la solitude, de l’inceste, mais aussi de la foi sont omniprésents et intrinsèquement liés à la fondation de cette famille et aux principes qui ont présidés la création même du village.
L’un des points remarquables dans le style et l’écriture de Gabriel Garcia Márquez, c’est sa capacité à écrire et à révéler des personnages féminins d’une puissance et d’une grandeur incroyable, non seulement par leurs vertus, mais aussi par leur force de caractère et leur résilience. L’exemple le plus probant est la matriarche, Úrsula Iguarán Buendía, mais aussi Remedios, Amaranta, Rebecca, Petra Cotes ou encore Sainte Sophie de la Piété.
Cent ans de solitude est une lecture bouleversante et une de ces oeuvres qui ne vous quittent jamais.
Édition lue : Seuil, collection Points, 1995
Chico & Rita – Javier Mariscal et Fernando Trueba
La Havane, 1948, un jeune et talentueux pianiste et compositeur, Chico, croise le chemin de Rita, une chanteuse de jazz au talent et à la beauté indéniables.
Sous fond de bebop et de jazz afro-cubain, les flashbacks d’un vieil homme nous plongent à travers les six saisons de leur histoire d’amour, qui s’étend sur six décennies. Il est autant question de l’amour qui réunit les deux amants, que de celui qui les lie chacun à la musique. L’ambition de Rita est aussi grande que celle de Chico, qui veut entrer dans le panthéon des légendes telles que Dizzy Gillespie ou Tinto Puente.
De la vie de débrouille à La Havane, aux galères et à l’effervescence des rues de Manhattan, en passant par Paris, les personnages sont confrontés au racisme, à la pauvreté, à la drogue, à la corruption, aux affres de l’orgueil, de la gloire et de la jalousie.
Édition lue : Denoël Graphic, 2011, traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco
Zita – Sylvie Fontaine
Zita est une géante polymorphe aux pouvoirs surnaturels. C’est à une anti-héroïne, profondément éprise des humains, que nous avons affaire. Elle refuse catégoriquement sa nature et les restrictions que lui opposent ses parents, tout en jouant largement des avantages de sa naissance. Présentée dans le plus simple appareil, c’est un personnage complexe et décomplexé, curieux, mais aussi profondément seul que nous offre l’auteure. Sa grande solitude la pousse à aller à la rencontre des humains, à différents temps de leur existence, pour les comprendre, mais aussi pour se découvrir elle-même.
Déclinés comme des fables, ses voyages à travers les âges sont une façon pour elle de se rapprocher des Hommes, de leur essence, et de leur humanité. Sylvie Fontaine nous présente ici un objet hybride et ludique, où les variations graphiques et narratives sont aussi nombreuses que celles de l’humeur et des envies de son héroïne.
Édition lue : Les Boîtes à Bulles, 2016
Artemisia – Nathalie Ferlut et Tamia Baudoin
Cette BD revient en 92 pages sur l’histoire de l’artiste-peintre Artemisia Gentileschi (1593- 1652), qui fût, entre autres choses, la première femme à avoir été reconnue par l’Académie.
Violée dans son adolescence par un proche de son père, elle en sera marquée toute sa vie. Un traumatisme que l’on retrouve dans ses oeuvres, parmi lesquelles « Judith décapitant Holopherne » et « Judith et sa servante ». Il m’intéressait de lire le travail de Nathalie Ferlut car je connais assez bien l’artiste et l’excellente biographie qu’en avait faite Anna Banti. L’auteure réussit ici à faire un résumé efficace, et accessible au plus grand nombre, de la vie d’Artemisia – même si beaucoup de détails importants manquent – tout en lui accordant une posture très active dans le récit. Cette bande-dessinée remet aux goûts du jour une figure importante de l’Histoire et une vraie héroïne de son temps.
Édition lue : Delcourt / Mirages, 2017
solitude de Gabriel García Márquez. J’avais très envie de le lire, et ce depuis à peu près une éternité
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Il m’intéressait de lire le travail de Nathalie Ferlut car je connais assez bien l’artiste
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