Wardi – Mats Grorud : la clé de l’espoir

Wardi, le premier long-métrage de Mats Grorud sort en salle ce 27 février. Ce film d’animation suit une adolescente palestinienne de 11 ans, dans un des 12 camps de réfugiés  à Beyrouth, au Liban.

L’héroïne, qui donne son nom au film, fait partie de la deuxième génération de Palestiniens née dans ce camp, depuis la Nakba (la catastrophe, en arabe), l’exil forcé des Palestiniens le 15 mai 1948, au lendemain de la proclamation de l’État d’Israël. De sorte que plus de 800 000 d’entre eux ont été chassés de leurs terres par l’armée israélienne entre 1947 et 1949.

Plus de 70 ans après, son arrière-grand-père, Sidi, est l’un des derniers témoins et survivants.

C’est par le lien très fort qui les unit que se dénoue, pour la jeune fille, le puzzle de son histoire. Mais ce n’est pas seulement l’histoire de sa famille qui est en jeu, c’est celle de tout un peuple et de tout un pan (plusieurs centaines de milliers) de la population libanaise complètement marginalisé et sans droits.

L’importance du temps qui passe

La narration du film est très intéressante dans la mesure ou elle s’appuie sur le temps qui passe pour raconter l’histoire des Palestiniens de ce camp, de leur vie avant l’exil, jusqu’à leur arrivée au Liban.

Les flashbacks et les images d’archives s’entremêlent avec les images du temps présent. Ces effets permettent de connaître l’histoire de Sidi et de sa famille, de la Palestine à Beyrouth, tout en illustrant les périodes de résistance active contre la répression des forces israéliennes, et l’évolution du camp et de sa population.

Les différentes générations représentées en sont la preuve. Les années qui séparent Wardi et son arrière-grand-père Sidi, marquent l’ancrage temporel du film, et accentuent l’inaction du temps sur la situation des réfugiés.

Ils ne dorment certes plus à même le sol, ou sous de maigres tentes, mais ils ne vivent pour autant pas dans des constructions légales et en bon état.

Le camp s’est agrandi, chaque génération a construit une tour, à chaque fois plus haute que la précédente, mais les conditions ne se sont pas améliorées.

Ces tours illustrent à la fois l’enlisement de ces apatrides, mais aussi leur volonté d’exister et de résister. Si le vieillard a dû mal à en monter les marches, elles représentent également le chemin à parcourir par l’adolescente pour connaître son histoire.

Si les réfugiés palestiniens ne sont pas des citoyens libanais, n’ont pas de droits et ne peuvent prétendre au marché du travail, Wardi, elle, va à l’école et représente, comme ses camarades, l’espoir d’un avenir meilleur et prospère. Un futur qui contraste avec celle de la génération précédente, celle de sa tante Hannan, qui n’a d’autre choix que d’épouser un étranger pour échapper à sa condition.

Pourtant, dans cet univers, où l’espoir se fait rare, la persévérance à vivre un quotidien le plus normal possible transpire des scènes de vie.

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Devoir de mémoire et de transmission

Si l’on a aucune idée de son passé, ni de l’endroit d’où l’on vient, alors qu’est-ce qu’on est ?

Ces mots de Sidi résument assez bien le message du film. L’identité palestinienne, l’histoire de ce peuple et la transmission de celle-ci sont centrales dans Wardi.

La transmission de la clé ainsi que celle des graines entre Sidi et Wardi, le jour même de l’anniversaire de la Nakba, est un symbole très fort du film. Nombreux sont les Palestiniens qui, dans l’exode, ont conservés la clé de leur domicile et leurs titres de propriété. Ce sont souvent les seuls éléments matériels qu’ils ont gardés, avec leurs papiers, et qui les raccrochent encore à leur terre.

En ce 15 mai, lorsque Sidi donne sa clé à son arrière-petite-fille, ce n’est pas seulement une clé qu’il lui confie, c’est un héritage et une histoire. Un don qui bouleverse l’adolescente, qui se met en quête de redonner de l’espoir à son aïeul.

Les graines de gardénia, de basilic, et de goyave qu’il lui confie recèlent le patrimoine agricole et les racines paysannes de sa famille, mais sont aussi les derniers éléments qui le lient à la Palestine. Ils symbolisent aussi l’espoir et le rêve d’un retour futur sur la terre qui l’a vue naître, le paradis perdu.

À travers l’histoire de sa famille, Wardi va découvrir son héritage et s’ouvrir à son identité. Elle se doit, comme Sidi, de préserver l’identité et l’histoire de son peuple.

Wardi révèle avec poésie et subtilité une histoire douloureuse, mais porteuse d’espoir. Il faut souligner la sublime imagerie du film et l’approche très humaniste de Mats Grorud qui permet d’aborder avec dignité l’histoire des réfugiés palestiniens, leur vie dans les camps et les difficultés qu’ils rencontrent, mais aussi d’autres sujets comme la mort et le devoir de mémoire. À voir absolument !

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