Créé par Cultival, le parcours Paris Street Art à la Butte-aux-Cailles s’adresse à tous les types de curieux. Des novices qui aiment Instagramer les moindres perles qu’ils trouvent, aux plus aguerris des fouilleurs de mobilier urbain. Vous pourrez, 90 minutes durant, observer et décrypter les petits recoins de la Butte-aux-Cailles.
Inauguré depuis le 1er octobre, ce parcours, culturel et historique, vous plonge au coeur de l’un des plus beaux quartiers de Paris. La guide donne des anecdotes simples et succinctes sur chaque artiste et dévoile, s’il n’est pas tout de suite évident, les enjeux de leur travail. Tous les artistes ne sont pas couverts, car il faudrait s’arrêter toutes les secondes. En revanche, la visite donne une approche suffisante des plus percutants.
Miss-Tic, une des street-artistes les plus prolifiques en France, et particulièrement dans le 13ème arrondissement, est celle qui marque, pour moi, le plus significativement ce quartier. Son empreinte est facilement reconnaissable : des pochoirs jouant sur les contrastes, noir, rouge et blanc, fonctionnant essentiellement en diptyque, et jonchés d’interrogations et de petites remarques engagées sur la société. Sur un pan de mur ou sur la terrasse d’un restaurant, elle a le sens de la bonne formule et souligne avec habilité les maux les plus brûlants de la société.
Le collectif Mosko & Associés est également très présent sur ce parcours avec ses nombreuses dépictions d’animaux de la jungle, faisant des rues de Paris une fascinante jungle urbaine. Leurs animaux sont tour à tour mignons et quelques peu effrayants.
On se rend vite compte de la diversité des techniques du street art. Loin des clichés qui l’apparente uniquement au tag, l’art urbain est sans doute le plus ambivalent par son appel au pochoir (Miss.Tic), à la mosaïque (Invader), au tag, au collage, au lettrage, au sticker, à la peinture, au reverse graffiti ou clean tag, ou encore à la fresque.
Ces techniques révèlent et relèvent aussi de l’identité graphique de ces artistes. Même sans sa signature, l’art de SMiLE est identifiable sans effort. Ses portraits d’humains ou d’animaux sont reconnaissables par le mélange de couleurs qu’ils offrent, ainsi que par l’importance portée au regard. Souvent exécutés sur des supports en bois, comme des portes, ils donnent l’impression d’être d’un autre temps. Parfois comme vieillies, ses œuvres font le lien entre les figures du passé et de l’époque moderne (cf. Kurt Cobain, Van Gogh…).
La série « Passe murailles » de SETH, elle aussi, habille les murs de la Butte (passage Boiton, passage Sigaud, mais aussi Place de la Commune) comme nulle autre. Vous les avez sans doute déjà vus, ce sont ces enfants sans visages qui rentrent dans les murs, ou jouent mais toujours face cachée.
D’autres enfants se cachent dans ces mêmes rues : comme les sales gosses de Zabou. Le plus saisissant est une œuvre qui s’intitule « Finger In Ze Noze ».
Les animaux ne sont pas en reste avec NAÖH qui donne vie à ses oiseaux mi- angoissants, mi-surprenants, ou encore avec le majestueux rhinocéros de Philippe Baudelocque.
Côté insolite, vous tomberez sur les oreilles du duo italiens Urban Solid. Ils se distinguent par leur apport de la sculpture et de la 3D à la pratique du street-art, une pratique peu commune dans le milieu et assez récente. Ils se sont emparés des rues de Paris depuis 2014 avec des oreilles plus ou moins grandes, souvent très colorées, accompagnées d’un message sans équivoque : « Zone sur écoute ».
Moins reconnaissables, mais tout aussi poignantes sont les œuvres de Silex, dont une se trouve sur le parcours. Ce portrait représente un homme, tout droit sortie d’un autre âge. Fait sur pochoir, il nous donne l’impression de regarder un des premiers Homo Sapiens.
Le plus fun : la découverte des nombreux Yarn Bombing nichés dans les hauteurs de la Butte-aux-Cailles. Ces œuvres, très colorées et miniatures, sont faites en crochet et représentent des ovnis du genre. On ne les remarque pas facilement, mais les trouver s’apparente à la trouvaille d’un œuf à la Pâques, le chocolat en moins.
Paris Street Art à la Butte-aux-Cailles n’est pas la première offre de balade autour du street-art dans la capitale, ni dans le 13ème arrondissement, mais elle offre une entrée en matière intéressante à cet art, accessible et offert à tous par son inscription dans le mobilier urbain.
Il pourra inciter certain-e-s à aller eux-mêmes sur les pistes d’autres street-artistes qui ont repeint la capitale. Parmi les spots les plus importants se trouvent Belleville, le 13ème arrondissement (Boulevard Vincent Auriol, Buttes aux Cailles, rue Jeanne D’Arc, rue de la Colonie, rue Alphand, rue des Cinq Diamants, Quai de la Gare…), Montmartre, la rue Dénoyez (20ème arr.), Beaubourg (4ème arr., notamment à la Place Stravinsky), ou encore le 18ème arrondissement (importance de la rue Ordener). N’oublions pas le reste de l’Ile-de-France où les street-artistes n’ont pas attendu la sortie de la confidentialité de cette forme artistique pour s’y mettre.