Black Dolls : artisanat et poupées noires à l’honneur à la Maison rouge

« I sell the Shadow to support the Substance » (Sojourner Truth, 1864) 

(« Je vends l’Ombre pour soutenir la Substance. »)

Comme le printemps est enfin arrivé (non, je rigole), je me suis dit que j’allais enfin checker l’exposition Black Dolls à la Maison Rouge (12e arr.). Ça s’était mercredi dernier, un jour particulièrement printanier, soit froid, gris et pluvieux, selon la dernière définition.

Cet événement regroupe les objets de la collection privée de Deborah Neff et est né de la rencontre entre la collectionneuse new-yorkaise et la réalisatrice, auteure et enseignante Nora Philippe, qui en est aussi la commissaire.

Je n’ai jamais eu d’intérêt pour les poupées et leur trouve en général un côté « creepy »,  ou encore dégradant. Mais je comprends qu’elles puissent amuser et jouer un rôle dans le développement d’un être, quelque soit son sexe.

Ce qui m’a intrigué dans cette exposition, c’est le fait qu’elle aborde la culture des poupées chez les Noirs. Ce qui est un événement en soit. À l’heure où l’Afrique et tout ce qui a trait au continent est « sexy » et où la représentation est toujours un combat, surtout pour les minorités, c’est une exposition qui prend tout son sens. Il ne s’agit pas de voir des objets manufacturés à grande échelle mais des fabrications artisanales, datant du temps de l’esclavage et de la ségrégation aux États-Unis.

Ces objets ne sont pas seulement à but ludique mais représentent l’importance de l’artisanat chez les Afro-Américains et transmettent une histoire, souvent familiale, puisque transmis à un être cher au sein d’une famille. Ce sont donc des objets hautement porteurs d’amour, d’histoires et de symboles.

« When you see a Negro doll in the armes of a Negro girl, then you know that the child is being taught a lesson in race pride and race development, which will not result in race suicide. » Henry Allen Boyd

Dans ce contexte racial, si elles sont faits-mains, elles ne sont pas seulement des doudous ou des objets d’art mais aussi des symboles dans l’histoire américaine. Ces poupées, brunes ou noires, qu’elles soient faites en noix de coco, en pailles, ou encore en tissus, témoignent de l’artisanat noir et du besoin de représentations chez les Afro-Américains, dans un pays dominé par les Blancs et les suprémacistes. Ces objets dits « transitionnels » par le pédopsychiatre Donald Winnicott sont d’importants indicateurs dans le développement d’un enfant, au même titre que d’autres jouets, puisqu’ils permettent un travail de mimétisme, d’identification ou de reconnaissance de soi, et sont aussi des substituts affectifs. Mais ce qui est notable dans ce qui nous est présenté dans cette collection c’est le fait que ces poupées noires n’aient pas seulement connues une résonance auprès de son premier public, les enfants noirs, mais aussi (et surtout) auprès d’enfants blancs, qui y avaient généralement accès grâce à leurs nourrices. De nombreuses photos d’archives attestent de cet engouement pour les Black Dolls.

L’exposition, qui s’étend sur 4 salles, est aussi l’occasion de découvrir le film du même nom de Nora Philippe qui rassemble les poupées de la collection Neff, ainsi des textes d’abolitionnistes et féministes noires américaines. Les poèmes et textes de Maya Angelou et de Nicole Sealey prennent vie aussi à travers les voix de contemporains, femmes de tous âges. Ce sont aussi des moments d’échanges et d’interactions entre différentes générations de femmes africaines-américaines et françaises.

L’exposition Black Dolls, visible jusqu’au 20 mai, rassemble deux cents poupées d’une période allant de 1840 à 1940 environ, collectées et collectionnées ces vingt-cinq dernières années par Deborah Neff. Elle présente également une série de photographies d’enfants américains posant avec leurs poupées.

Ces Black Dolls soulignent la fierté, la créativité et la diversité des afro-descendants, mais aussi et surtout leur place et leur importance dans l’histoire des États-Unis. Elles fascineront plus d’un par leurs formes et leur modernité mais aussi par l’attention aux détails qu’elles présentent. Courez-y vite!!

Crédits photos: ©Yndianna

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