Steven Soderbergh: Mosaic, chronique d’un désastre

Si l’envie vous vient de jeter un coup d’œil à Mosaic, la mini-série de Steven Soderbergh portée par Sharon Stone et Garrett Hedlund, voici quelques informations qui pourraient vous éviter de perdre votre temps.

MOSAIC 1

Une intrigue familière qui manque d’originalité

Si l’idée de revoir Sharon Stone à l’écran était alléchante, les prémices de la série, eux, manquent d’originalité, surtout pour une production HBO. Mosaic c’est un meurtre sans corps et l’enquête pour le résoudre. En effet, Soderbergh base sa série sur le meurtre de son héroïne, Olivia Lake – jouée par Stone – illustratrice de renom et auteure de livres pour enfants.

Quatre ans après les faits, suite à la découverte du cadavre, il s’agit de rouvrir l’affaire et d’élucider ce meurtre en revenant sur les circonstances qui l’ont précédées. Autant dire que côté originalité, on repassera. Ces dernières années, on a vu fleurir des propositions plus intrigantes sur la forme et le fond dans le genre du crime-thriller, à l’image de Broadchurch, Shetland, The Killing, Top of the Lake ou encore True Detective.

Avec son entrée in medias res, Soderbergh offre dès les 3 premières minutes du film un coupable crédible. Toutes les preuves énoncées dans la première scène par le détective Nate Henry pointent vers Joel Hurley – interprété par Hedlund. Pourtant, Eric Neill, l’amant d’Olivia, a été condamné au moment des faits et mis en prison.  À partir de là, il s’agit pour le réalisateur de revenir à gros coups de flashbacks sur la rencontre entre ces trois protagonistes, la succession d’événements et ce qui a pu mener à ce meurtre. Mais avec deux suspects plausibles présentés dès le départ, l’enquête semble déjà tout orientée. Et 6 épisodes durant, c’est exactement ce que fait Soderbergh. Il pivote son récit sur un coupable en particulier.

Des personnages souvent fades et sans grand intérêt

Sharon Stone incarne à merveille cette femme à la fois brillante, philanthrope, autocentrée, peu sûre d’elle, manipulatrice et go-getter. Elle est aussi antipathique qu’elle n’est intrigante. Mais, si son meurtre est au cœur de la série, son personnage est peu creusé et on ne sait finalement que très peu de choses sur elle, et surtout on ne la voit pas assez à l’écran. Ses interactions avec les autres personnages sont toujours assez brèves, ce qui empêche de se faire une véritable idée d’elle et de sa personnalité.

Soderbergh réussit cependant à souligner chez elle une fragilité et une insécurité qui sont très intéressantes. Olivia est une femme d’un certain âge qui a beaucoup souffert en amour et doute sérieusement de son pouvoir de séduction. Le réalisateur touche au problème de l’âge et de l’agéisme dans les relations sentimentales, dans la société comme à Hollywood. Pourtant, là encore, c’est un thème qui est vite balayé.

À ses côtés, on retrouve un Garrett Hedlund assez terne dans son rôle d’alcoolique /artiste qui galère / grand naïf. Tout son personnage repose sur son look de gaillard barbu et débraillé qui minaude plus qu’il ne parle. Mais si Joel n’est pas un personnage très bavard, sa psychologie, elle, est bien perceptible, et très prévisible. C’est à la fois un faux ingénu et un séducteur discret qui attire très vite l’œil d’Olivia.

MOSAIC 2

Cependant, l’histoire bascule subtilement pour devenir non plus celle du meurtre de son héroïne, mais de son présumé meurtrier, en la personne de Joel. L’idée de souligner sa culpabilité dès la scène introductive est déjà un shift dans cette direction.

Toutefois, si le récit n’est pas entièrement centré sur Joel, il en devient pourtant le sujet principal et même le moteur. C’est parce qu’il tape à l’œil d’Olivia qu’il s’installera dans sa grange et deviendra son homme de main. Mais c’est aussi parce qu’il lui présente sa petite amie, sans aucun signe avant-coureur, qu’elle se sentira rejetée et se tournera vers un autre homme. Très vite, elle deviendra amère et le rejettera aussi à son tour. Ainsi, la série devient une étude de son profil, de sa psychologie et de sa duplicité.

Il y a aussi Petra, la sœur de l’escroc, qui tente de prouver l’innocence de son frère en menant l’enquête elle-même. C’est sans doute le personnage le plus intéressant et abouti de Mosaic. Et à l’inverse de beaucoup de personnages, elle a un rôle très actif dans le récit. C’est même elle qui réussit à pointer le détective dans la direction de Joel. Elle fait preuve de balance, de stratégie et d’intelligence, quitte à faire passer, malgré elle, le détective pour un pinpin.

MOSAIC 4

À côté de cela, il y a des personnages d’une banalité sans pareil. C’est le cas d’Eric Neill, l’escroc/amant/ meurtrier présumé d’Olivia. C’est un personnage certes manipulateur et stratège, mais c’est aussi un protagoniste dont la trajectoire narrative est extrêmement prévisible. Le fait qu’il soit pris à son propre jeu, finisse par tomber amoureux d’Olivia et s’imagine finir par vivre la mascarade qu’il a lui-même orchestrée est un arc assez classique. D’escroc à victime, il n’y a qu’un pas et il l’a clairement franchi.

Puis, il y a Michael O’Connor, le voisin billionnaire d’Olivia qu’elle a élevée et qu’on rencontre dans le premier épisode. Outre le fait qu’il ne soit pas doué avec les mots et qu’elle semble quelque peu méprisant avec lui, on ne sait pas grand chose de cet homme, ni de leur relation. C’est Tom Davis, son bras droit et homme de main, qui gère ses affaires et occupe une place proéminente dans le duo. Il échafaude le plan pour pousser Olivia à vendre sa propriété, après avoir découvert la forte concentration de béryllium qu’elle cache. Mais là encore, ce sont des personnages que l’on voit très peu à l’échelle de la série, et qui auraient mérité d’être plus explorés.

À noter que l’excellent Beau Bridges fait partie du casting mais est malheureusement sous utilisé.

Un récit en mosaïque qui pêche par sa multiplication de points de vue

La série porte bien son nom dans la mesure ou Mosaic fait écho à la philanthropie d’Olivia et à son association qui porte ce nom. Mais aussi car le programme est construit en mosaïque, dont les nombreux personnages sont les pièces. C’est d’ailleurs dans cette volonté que Soderbergh a sorti la série sur l’application HBO, en proposant une expérience interactive aux usagers qui peuvent choisir le personnage qu’ils veulent suivre à travers la durée de la série et donc son point de vue narratif.

De plus, le réalisateur, qui s’est associé à Ed Solomon (Men in black, Charlie’s Angels – et prochainement The Invisible Man avec Johnny Depp) pour le scénario, a fait le choix de raconter le film à la façon d’un récit enchâssé, en alternant les points de vue et en faisant des va-et-vient entre le passé et le présent pour mieux « brouiller » les pistes. Cependant, ce procédé n’apporte pas grand chose au spectateur et à la narration.

Rien que dans le premier épisode, ce n’est pas moins de 9 personnages qui sont présentés: Joel, Nate le détective, Olivia, Eric Neill l’escroc, JC le meilleur ami et confident d’Olivia, Laura la petite-amie de Joel, Michael O’Connor le voisin billionnaire d’Olivia, Tom Davis l’homme de main de O’Connor et Frank le meilleur ami de Joel. À ceux-là s’ajoutent Petra la sœur d’Eric, Melissa la femme du détective, et Tia une institutrice.

Pour autant, en 6 épisodes, Soderbergh passe plus de temps à multiplier les points de vue qu’à creuser ses personnages. Plus on avance dans l’histoire et plus on a cette impression d’inachevé sur la construction des personnages. S’ils ont tous un élément intéressant, il semble davantage être, pour la plupart, des accessoires plus que de vrais acteurs du récit.

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Davantage, chaque épisode est d’une lenteur sans nom et a des longueurs inutiles qui ne justifient pas ce format. Chaque épisode se termine sans suspension ni véritable cliffhanger, et l’enjeux ne vaut clairement pas l’attente. Pire, quand on prête attention aux détails et aux personnages, on sait très vite que le récit est déceptif et que les coupables et leurs motifs sont sous connus dès le départ. Et après avoir bouclé la série, on réalise que l’histoire aurait pu être racontée avec moins de personnages et en moitié moins de temps.

Ainsi Mosaic est à l’image de Side Effects, sa dernière incursion dans le genre du thriller, une déception.

Après, si vous avez 6 heures à perdre, faites-vous plaisir !! Et pour les amoureux de nature et de poudreuse, vous pourrez au moins profiter de l’esthétique de Summit, la station fictionnelle dans l’Utah, où se passe la série.

 

Crédits photos: HBO / D.R.

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